Cindy Phenix : Water Shed Twinkle

13 mars au 19 avril 2025

Cindy Phenix : Water Shed Twinkle

En trame de fond, un son sourd. Celui de l’eau, qui court sous toutes les grandes huiles encerclant la fontaine en verre, bois et céramique qui trône au cœur de la galerie. Tel un motif mélodique, cette onde semble inspirer les personnages des toiles Bird Noises Disappear Together With Satin Bowerbird, Wind Noises, Water Noises et Distance to a Certain Delicacy Disintegration à se joindre au mouvement, instruments de musique en main ou perches et microphones à l’affut. Cindy Phenix se demande : «Quel serait le dernier son à être entendu sur terre?»

Avec l’exposition Water Shed Twinkle, Phenix célèbre une première décennie de production artistique (2015-2025) en proposant un nouveau corpus d’œuvres qui joue avec les mots et les sens intimés par le titre. Clin d’œil polysémique d’abord, la définition de «watershed» renvoie simultanément à la notion géographique de ligne de partage des eaux, ainsi qu’à l’idée d’un moment charnière dans l’histoire. Pour l’artiste, ce seuil décisif s’incarne dans l’urgence climatique et les deuils écologiques qui caractérisent notre époque. La majorité des peintures réunies étaient d’ailleurs en production pendant les violents incendies qui, en janvier dernier, ont ravagé Los Angeles, où son atelier est installé. Une perspective écocentrique, c’est-à-dire centrée sur la nature, traverse ainsi sa plus récente série dans une volonté d’imaginer d’inédites connexions, collectivités et actions pour rêver les temps à venir. C’est précisément ce que le scintillement suggéré par le mot «twinkle», dans le titre, souhaite ouvrir comme brèche par laquelle faire jaillir de l’espoir et de la joie. 

Pour nourrir ses recherches, Phenix s’est tournée vers les écrits de l’anthropologue Anna Tsing et de la biologiste marine Ayana Elizabeth Johnson. Cette dernière défend que la restauration des écosystèmes passe surtout par le monde aquatique et les zones humides. Ainsi, dans Harmonized Discern Around the Iridescent Oration of Wavering Shallows et A Spell to Repeal a Certain Degree of Ghosts, une foule de petits gestes de soin sont apportés aux habitats des coraux, des baleines, des méduses et même des sirènes vivant dans ces toiles. Le coloris vif et les compositions fournies qui ornent les murs se transforment en mosaïque sur la figure monstrueuse qui occupe le centre de la galerie. La créature tend la patte vers les deux bassins, dont la superposition réfère aux anciennes horloges hydrauliques, comme si elle allait l’y tremper. Si elle touchait l’eau, déclencherait-elle la fin – le dernier son entendu sur terre? Ou peut-être vient-elle d’y toucher… Une seule certitude : les sons voyagent plus longtemps sous l’eau.  

~ Florence-Agathe Dubé-Moreau

 

Cindy Phenix, Bird Noises Disappear Together With Satin Bowerbird, Wind Noises, Water Noises, 2025
Huile et pastel sur lin
Oil and pastel on linen
183 x 213,4 cm (72” x 84”)

CINDY PHENIX

Cindy Phenix travaille à l’intersection de la peinture, du dessin, du textile et de la sculpture, en faisant cohabiter abstraction et figuration. Ses compositions fournies évoquent le collage et sont exécutées dans une palette vive dont la touche texturée confère un caractère gestuel à son style. L’importance du fragment et de l’éclatement kaléidoscopique dans ses œuvres va de pair avec une réflexion autour de la déconstruction, et de la reconstruction, des normes sociales et politiques. Des personnages monstrueux, dont les corps mutants ne sont pas définis par le genre, apparaissent dans ses mises en scène pour défier les systèmes de pouvoir qui régissent nos sociétés. Semblant se former à même tous les aplats et empâtements de couleurs tant dans des itérations sculpturales que par le biais de surfaces bidimensionnelles, ces monstres incarnent de profondes transformations et l’empouvoirement personnel.Plusieurs approches féministes et écologiques résonnent avec la pratique de Phenix, qui sonde des thèmes comme la solidarité, la collectivité, la résilience et le soin – en cherchant à réenchanter le monde autrement.

Cindy Phenix (née en 1989 à Montréal, Québec), est établie à Los Angeles, Californie. Elle a obtenu une maîtrise en théorie et pratique des arts à l’Université Northwestern (Chicago) en 2020 et un baccalauréat en arts visuels, avec distinction, de l’Université Concordia (Montréal) en 2016. Son travail a fait l’objet d’expositions individuelles, notamment à la galerie Victoria Miro, Vortic ; à la galerie Nino Mier, New York, Los Angeles et Bruxelles ; à la Galerie Hugues Charbonneau, Montréal ; et à la Maison de la culture, Longueuil.  Elle a participé à des expositions collectives dans plusieurs institutions, telles que la PM/AM Gallery, Londres ; le Torrance Art Museum, Torrance ; la Megan Mulrooney Gallery, Los Angeles ; le Hyde Park Art Center, Chicago ; le centre Julius Caesar, Chicago ; la Contemporary Art Gallery, Vancouver ; le Musée des beaux-arts, Montréal ; le Centre Clark, Montréal ; et la Galerie d’art Stewart Hall, Montréal. Mise de l’avant dans le New York Times, Flaunt, Art21, A Women’s Thing, Esse arts + opinions, et Border Crossings, entre autres, ses œuvres sont présentes dans les collections du Musée des beaux-arts du Québec, du Musée des beaux-arts de Montréal, de la Caisse de dépôt et placement du Québec, d’Hydro-Québec, de BLG, de Claridge et Gris Orange Consultant.