Vernissage le 14 mars de 17h à 19h30 en présence de l’artiste.
« L’afrotopos est ce lieu autre de l’Afrique dont il faut hâter la venue, car réalisant ses potentialités heureuses. […] c’est une utopie active qui se donne pour tâche de débusquer dans le réel africain les vastes espaces des possibles et les féconder. […] [Cette entreprise] est de la responsabilité première des intellectuels, penseurs et artistes africains. [1]»
Comment habiter pleinement son imaginaire et ses infinies potentialités lorsqu’on a été dépossédé de son histoire ? Comment s’affranchir de l’aliénation ayant entraîné des « dévastations psychiques inouïes[2] » de génération en génération? Opérant comme cadre conceptuel, les réminiscences des vies antérieures de l’artiste Moridja Kitenge Banza lui permettent d’entrevoir l’orée de lendemains dignes.
Brouillant intentionnellement les frontières entre histoire et fiction, récit intime et hagiographie, Kitenge Banza explore les modalités de l’écriture d’une histoire contrefactuelle. Il nous transpose ainsi dans un univers onirique à la confluence de temporalités entrelacées, de mémoires collectives revisitées. Il y confronte son passé, et ouvre par là-même la voie lui permettant de briser un cycle et de féconder le présent.
Au sein de ses compositions monumentales, le feuillage de l’hévéa aux détails délicats se déploie comme une extension des corps, parfois mutilés. L’anthropomorphisme devient alors un procédé et un stratagème provocateurs que l’artiste visuel emploie pour susciter notre indignation. Les enfances congolaises bafouées et les atrocités perpétrées par l’administration léopoldienne — largement documentées dans les archives photographiques belges — nous laissent-elles indifférentes ? Sommes-nous davantage préoccupé·e·s par le sort de l’arbre à latex que par certaines vies humaines exploitées par l’industrie caoutchoutière ? À l’aube des lendemains ne se contente pas d’interpeller, l’exposition nous engage également dans une réflexion profonde sur la question de l’écologie vue de l’Occident.
Texte de Diane Gistal
[1]Felwine Sarr, Afrotopia, Éditions Philippe Rey, « Jimsaan », Dakar, 2016, p. 13-14.
[2] Achille Mbembe,Critique de la raison nègre, Éditions La Découverte, Paris, 2013, p.11. Voir aussi Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, La Découverte, Paris, 2011 [1952]